ANCRAGE SUR TERRE COMME EN MER, Lettre du mois de novembre

Déjà un mois et demi que je navigue, voyage et vis à bord de Gaston. Ce bateau est mon ancrage dans mon aventure toute en mouvement. L’équipage est ma petite famille du moment. Ma cabine, mon nid douillet. Notre route se dessine doucement depuis la Bretagne et après les humeurs tumultueuses de la mer dans le Golfe de Gascogne et sur la route vers Madère, nous circulons tranquillement dans l’archipel des Canaries sous des vents plus ordonnés et bien musclés, les alizés. Nous égrenons les îles une à une d’est en ouest. Nous sautons d’une à l’autre, le temps de sentir l’atmosphère de chacune et de découvrir sa singularité. Cet archipel semble dessiné avec une large palette de reliefs, de climats et de végétations permettant d’ouvrir pli par pli, le grand éventail de ses paysages. Des déserts les plus arides aux forêts les plus vertes et les plus humides.
Ces mini escales offrent des petits laps de temps pour imaginer des espaces où j’ai envie de revenir plus longtemps. Des nids où je me sens bien, chez moi. Pouvant m’accueillir un temps. Un jour peut-être. 
J’ai été touchée par la Gomera, par son authenticité, sa simplicité et simplement sa beauté. Sans parler du silbo, ce langage des oiseaux permettant de communiquer en sifflant d’un barranco à l’autre. 
Alors j’écris dans le cahier de mes rêves, les lieux dont l’âme me parle et dans lesquels je me reconnais.
La Gomera. La Graciosa aussi, j’aime sa douceur et sa quiétude mais les arbres me manqueraient beaucoup.  Bien sûr ma Provence natale. L’île de la Réunion, où j’ai grandi pendant la première décennie de ma vie d’adulte. La Martinique, l’écrin qui m’a hébergée durant les quatorze dernières années de ma ”vie dite active”. Et la Colombie, mon dernier grand coup de cœur. Et  certainement d’autres à venir…
A l’horizon, devant les étraves de Gaston, se profilent les Antilles. Mais pour l’instant, nous attendons la fenêtre météo favorable pour faire route sur le Cap Vert. L’idée de faire un petit tour en Afrique illumine mon cœur. 
Environ 3000 milles nous attendent pour rallier la Martinique et je mesure mon bonheur en pensant à cette deuxième transat et à la perspective de vivre des jours et des nuits au milieu de l’Océan, au rythme du vent et des vagues, du soleil et des étoiles. 
L’idée de poser mon ancre pour prendre le temps de la pause me titille toujours quelque part dans un coin de ma tête mais l’envie de poursuivre ma route en zigzag est toujours bien là, présente au fond de mon cœur. Profondément ancrée. 
Car finalement l’ancrage est possible partout. Même en pleine mer quand Gaston surfe allègrement sur les vagues. Cela se confirme à chaque instant, mille après mille, au fil des apprentissages que nous offre cette aventure nautique, terrestre et surtout humaine. Partout. Bien partout. 
Mimi